dimanche 24 mai 2015



Un vieux meuble raconte ses bons et ses mauvais souvenirs

   Un vieux fauteuil. C’est ce que je suis. Cependant, ça ne signifie pas que je n’aie pas une histoire, une vie, mes souvenirs.
   La première image qui me revient à la mémoire est de couleur verte, la couleur des feuilles, et elle contient beaucoup de bruit. Il s’agit du jour où les arbres utilisés pour me fabriquer ont été abattus. J’aime encore penser au son des troncs au moment de tomber. Tout un bois de chênes pour Jean, l’homme qui m’a fait, mon père.
Heureusement, Jean était un des meilleurs menuisiers de la région. Né à Paris au sein d’une famille de boulangers, il avait contredit la décision du chef de famille, qui voulait que son fils continuât avec le magasin. Ainsi, à l’âge de vingt ans, il avait pris un aller simple à Sainte-Marie, dans l’intention d’apprendre un métier.
Toutefois, il ne savait pas que Sainte-Marie  était célèbre pour la fabrication de meubles en bois. Et, de cette manière et par hasard, il s’est trouvé avec le travail qui lui donnerait les satisfactions les plus grandes.
   Le jour où Jean m’a fini, le soleil brillait. Dans mon cœur aussi, parce que j’étais le meuble dont je rêvais. Un beau fauteuil en bois foncé, avec des coussins en cuir rouge.
Mon père, fier de sa création, non seulement s’est décidé à ne pas me vendre, mais il m’a placé au centre de la salle de séjour. Là, j’ai connu le bonheur. Les longues soirées avec mon menuisier lisant un livre; les midis avec sa femme, qui m’épinglait ses aiguilles à tricoter pour ne pas les perdre alors qu’elle regardait la télévision ; et les deux petits enfants, qui prenaient leur goûter avec moi, qui dormaient sur moi…
Maintenant tout est différent. Tout a changé. La famille est déjà partie. Les enfants sont à Paris, avec leurs propres fauteuils. Et Jean et sa femme ne sont pas avec moi. Ils habitent dans une maison de retraite. Ils ne peuvent donc pas se charger de moi. Ils ne me soignent plus.
Alors j’attends. J’attends dans ce magasin que quelqu’un me voie et, comme la rose du Petit Prince, s’occupe de moi.
                                                                                                                                                             Elena F.




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