LE PREMIER
JOUR ENSOLEILLÉ DE PRINTEMPS
Ce n’est pas le 20 ou le 21 mars (l’équinoxe de printemps
dans l'hémisphère nord et du point de vue astronomique) car il y a déjà quelques
jours qu’il est arrivé – trop nombreux selon la vaste majorité qui souffrent des
dommages de l’implacable hiver ; c’est le premier jour de printemps qu’il
fait beau, le premier jour que le soleil ose apparaître. Et c’est pour cette
raison, parce que c’est le premier jour depuis bien longtemps, qu’il le fait doucement,
timidement comme nous regardons quelqu’un qui nous fait peur ou quelque chose
qu’on pense qui va nous faire mal aux yeux, au sens figuré et littéral. En
plus, le premier jour de printemps qu’on peut appeler beau, le soleil n’a pas
de concurrence : il n’y a pas de masses visibles suspendues dans le ciel
et constituées d'une grande quantité de gouttelettes d’eau. Le soleil est le
seul ornement du ciel, il est seigneur et maître
dans le bleu. Même si au début il apparait faible et presque froid, dès qu’il
se rend compte qu’il n’y a pas d’abri pour se cacher jusqu’à s’encourager et
que personne chez les humains n’est capable de le regarder directement, il
grandit, fier et défiant. En même temps, nous, pauvres êtres tremblants,
désespérés et toujours en mouvement pour ne pas se geler pendant des mois,
sommes pressés dehors, comme poussés par une main invisible, et on sort en bras de chemise que nous retroussons chaque fois
que le soleil gagne un peu de confiance. Tu regardes autour de toi, tout semble
plus réjouissant, plus inoffensif, plus tranquille. Tu t’assieds sur n’importe
quel banc qui n’est pas à l’ombre, apparemment tous sont plus confortables que
d’habitude, et tu ouvres un livre que tu as pris pour l’occasion. Tu sens le
faible vent sur ta peau nue (les bras, le visage et le cou, et bientôt la
poitrine) et l’arôme tellement singulier du printemps. Quelques filles passent
à la fois en riant, en parlant et en criant. Cela ne te dérange pas du tout, au
contraire, tu souris : ah, la jeunesse ! Après avoir lu quelques lignes que tu
vas relire la prochaine fois car tu n’as pas prêté attention, tu fermes le
livre et tu t’amuses avec le paysage. Un jeune homme en short, tu trouves qu’il
est audacieux, mais tout à coup tu sens tes jambes brûler, si j’avais mis au moins les sandales ! Tu essayes de ne pas
penser, seulement t’amuser du soleil. Il tape de plus en plus fort. Les gens ne
marchent pas, ils se baladent comme s’ils avaient des pierres attachées aux
pieds. Tu sens que l’énergie entre dans ton sang et se mélange avec les
globules blancs, rouges et les plaquettes. Les problèmes qui te hantaient
pendant des semaines ne semblent plus maintenant si graves, j’ai été vraiment aveuglée par le désespoir,
quelle idiote ! Tu te promènes lentement vers chez toi, mais tu te dévies
pour acheter une glace afin de goûter l’été qui est de plus en plus proche et
pour prolonger un peu ce sentiment de bonheur. Chez toi, tu vas à la salle de
bains pour te laver le visage brillant d’optimisme et de sueur. Le miroir
remarque que tu as les joues et le nez trop rouges. Tu plantes le bout de ton
doigt dans une joue moelleuse et oui, la trace pâle confirme que tu as été trop
confiante. Heureusement que je n’ai pas mis
les sandales ! Et le soleil brille triomphant dans le bleu du ciel.
Garazi
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