dimanche 8 février 2015



Jeudi, 13h30. La semaine de cours est finie. Ouf ! Je suis lessivée, sur les rotules ! Et malheureusement, un long week-end de corrections m’attend, impossible de me reposer. Et en plus, il fait un froid de canard depuis quelques jours, un temps de chien, et je ne pourrai pas aller me changer les idées dans ma maison des rêves.
Jeudi, 17h. Ça y est, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis sagement assise à mon bureau devant une bonne vingtaine de rédactions, les premières de l’année. Je n’ai vraiment pas le cœur à ça, mais quand y faut y aller, faut y aller ! J’ai sommeil, mes deux amours de chiennes m’ont encore réveillée cette nuit ; Iris parce qu’elle avait soif et j’ai dû me lever pour lui ouvrir la porte de la cuisine, et Luna parce qu’elle voulait monter sur le lit et j’ai dû l’aider, c’est une fllemmarde !
Première rédaction : pas très brillante, malgré l’effort de l’élève en question.
Deuxième rédaction : trop tard ! Ma fille entre et je sens que je ne vais pas beaucoup corriger aujourd’hui ! C’est foutu ! Comme à son habitude, elle vient dialoguer ! Et comment le lui refuser, c’est une ado, je suis sa mère et je ne veux pas entendre son leitmotiv : «  tu ne voulais pas avoir une fille ? et bien tu dois m’écouter, t’occuper de moi, etc. »
«  Je m’ennuie maman. J’en peux plus de rester à la maison à cause de cette foutue grippe ! qu’est-ce que tu fais ? » Et voilà, c’est parti pour un tour de papotage comme nous l’aimons toutes les deux !
Pour ne pas avoir l’impression de trop perdre mon temps ( pardon ma fille, parler avec toi n’est pas perdre mon temps ! ) je lui lis quelques-unes des rédactions, elle essaie de les corriger avec moi, et tout à coup, on tombe sur un écrit qui commence par : « J’ai appris dans Le Monde que le Ministère Français de la Santé compare l’addiction aux jeux-vidéo à celle de l’alcool ou des drogues. Cela ne m’impressionne pas plus que ça puisque je suis déjà alcoolo.» Hein ? J’ai un alcoolo en cours ? Alors là, je tombe des nues !
Je poursuis la lecture et alors là, je pourrais difficilement exprimer ce qui m’est arrivé ! Ça a été un véritable coup de fouet ! J’étais aux anges ! Je criais, je riais, ma fille aussi ! Oui je sais, je suis un peu trop expressive, excessive, n’en déplaise à certains ou à certaines ! On ne se refait pas !
Après 30 ans de bons et loyaux services dans l’enseignement, et à un moment de ma vie où professionnellement je suis plus axée sur la recherche, la rédaction d’examens, un élève m’ouvre LA porte dont j’avais besoin pour redonner un coup de jeune aux cours de C1 : c’est décidé, je vais créer un blog d’écriture et le premier écrit sera celui de cet élève ! Le deuxième, celui qui est en train de naître dans ces lignes.
Cela fait longtemps que je taquine la plume dans l’ombre, d’ailleurs j’en ai touché deux mots il y a deux ans à Daniel Picouly lors d’une séance de dédicaces : «  lancez-vous, le premier pas est le plus difficile. Après ça vient tout seul. »
Mais je préfère donner la parole aux élèves qui, j’en suis persuadée, ont beaucoup de choses à nous faire partager. Et oui Luis, je suis très certainement naïve mais très enthousiaste aussi, tu as tapé dans le mille !
Ma seule hantise c’est la réaction des élèves lundi quand je vais leur proposer de mettre en place ce blog ! Me regarderont-ils avec des yeux de merlan frit ou me suivront-ils dans cette folle et belle aventure de l’écriture ?
Ça vaut la peine d’essayer, vous ne croyez pas ?
Et bien finalement, je n’ai pas pu m’empêcher de parler et de ma fille et de mes chiennes, Luis ! Tes chats, ce sera pour ta prochaine rédaction que j’attends avec impatience !
Merci !

                                                                                                                                           Marie-Hélène


J’ai appris dans Le Monde que le Ministère Français de la Santé compare l’addiction aux jeux-vidéo à celle de l’alcool ou des drogues. Cela ne m’impressionne pas plus que ça puisque je suis déjà alcoolo.
Vendredi soir, je suis chez moi après les cours, tellement fatigué. Et précisément je dois faire la rédaction sur les jeux-video. Alors, un peu pour me détendre, un peu simplement parce que j’ai la bonne excuse, je prends une bière fraîche, j’allume l’ordinateur et je mets en route mon jeu préféré : COMMANDER ( une recréation de la Seconde Guerre Mondiale ). Je me dis que c’est pour me plonger dans le sujet et trouver de l’inspiration.
D’emblée, je choisis le rôle de l’Axe, parce que jouer avec les alliés est beaucoup plus facile et ennuyant : il suffit de se défendre. Conquérir tout le monde, c’est autre chose.
Depuis le début, je tiens le blitz krieg. D’un seul trait, j’écrase la Pologne, le Danemark, même la Norvège et la Yougoslavie. Ensuite, j’attaque en traître la Suisse. Ils ont beau protester, je m’en fiche des Suisses ; voilà, je ne connais aucun Suisse, pour moi ce n’est qu’un pays virtuel. Du coup, les Camemberts sont pris au piège ( excusez mon langage, je parle sous le feu de l’action ). Ils étaient planqués au Nord, en attendant l’attaque habituelle à travers la Belgique, tandis que je braquais Paris depuis l’Est. Il n’y a pas de résistance, ils tombent dans les pommes.
Pourtant, pas de répit ; malgré le traité d’Alliance, je me mets à dos la France libre aussi. Cette fois-ci, Le Général Franco lui-même proteste. Tant pis pour lui, il savait que je n’étais pas une oie blanche !
Après la deuxième bière, je suis éméché et je commence à commettre quelques petites erreurs. En l’occurrence, je perds quelques unités, un peu bêtement, en traversant la Méditerranée. Rien de grave.
La bière coule et les années virtuelles défilent. Maintenant j’essaie de conquérir la Russie pendant que je me défends de l’offensive américaine à l’Ouest ; c’est la guerre sur les deux fronts que j’avais autant craints. Malheureusement, j’ai foiré le coup sur Stalingrad et mes soldats rampent sur la neige. D’ailleurs je suis rincé.
Purée ! Qu’est-ce que je fais à perdre mon temps au lieu de faire la rédaction de français ?
C’est la première de l’année et il faut bien faire. D’autant plus que Marie-Hélène croit que je suis un bon élève, appliqué et responsable ; elle est si naïve, si enthousiaste. Une approche professionnelle, voire classique  s’avère nécessaire. C’est-à-dire : une présentation claire et précise du sujet, une argumentation bien échafaudée ( la contre-argumentation qui échoue au dernier moment ), des conclusions solides, très didactiques. Pourtant, je ferai la rédaction à l’arrache, sous l’emprise de l’alcool, en divaguant follement sur le sujet, comme d’habitude.
Je faisais comme cela, Mari-Luz me passait un savon en disant : « la prochaine fois je ne vais pas te corriger ». J’espère que Marie-Hélène va se montrer un peu moins sévère, pourvu qu’elle ne se rende pas compte que j’ai supprimé les fautes d’orthographe avec le correcteur on-line.
J’ai quand même réussi à finir une rédaction sans parler de mes chats.



Luis