FAÇON DE LIRE: D’ABORD….
SENTIR
Cette histoire est une histoire d’amour, pas d’un amour courant. Cédric
regorgeait de la passion pour les mots, il avait ouvert une librairie où la
transmettre. Il aimait ranger les nouvelles acquisitions, les mettre face à la
porte pour qu’elles fussent à deux pas. En effet, sa librairie était tout pour
lui.
Audrey aimait aussi les lettres mais
peut-être d’une façon tout-à-fait différente. Audrey engloutissait l’expression
écrite en inspirant les livres. C’était une gourmandise á laquelle elle ne
pouvait pas résister, même si elle l’avait déjà essayé plusieurs fois. Cette
fringale obsessive lui faisait parcourir chaque librairie de la ville pour
sentir avec toutes ses forces ces bouquins majestueux.
Dernièrement, une foule de clients avait rendu à Cédric quelques livres
parce que, et comme eux-mêmes le disaient, les bouquins présentaient des
erreurs d’imprimerie, avec des pages et des pages en blanc. Les maisons
d’édition commençaient à se fatiguer de tant de remboursements et elles lui
avaient donné un ultimatum. D’ailleurs, Cédric ressentait un double
sentiment : d’une part, une douleur pour ces livres handicapés, et d’autre
part, une angoisse pour l’avenir de sa boîte.
C’était clair qu’Audrey fréquentait depuis quelques semaines la librairie
de Cédric. Elle adorait l’ordre et le goût romancier de ce lieu-là. Malgré la
culpabilité ressentie, elle se laissait porter par sa goinfrerie en ingurgitant
toute la rentrée littéraire entière de cette année, or atteinte d’une sorte de
boulimie des mots.
Cédric avait remarqué le comportement bizarre d’Audrey et après un mois, il
s’était rendu compte de que c’était elle qui se gavait de ses livres
olfactivement jusqu’à les gommer, de sorte qu’il lui a fait face, fâché.
Le moment de la confrontation a été tendu. Comment exprimer un tel événement
paranormal ? Cependant Audrey n’a rien nié, elle a baissé la tête, gênée,
et lui a demandé pardon.
Et tout d’un coup, Cédric, d’un cœur accéléré, a pris son livre préféré
pour le lui offrir… « tu veux du rab ». Alors, Audrey a bredouillé en
une seconde … « je suis rassasiée, merci».
Au moment où leurs yeux se sont rencontrés, parmi les paroles qui
flottaient dans l’air exhalées par Audrey, sa passion pour les lettres avait
engendré un amour incontournable.
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