vendredi 20 octobre 2017



FAÇON DE LIRE: D’ABORD…. SENTIR

Cette histoire est une histoire d’amour, pas d’un amour courant. Cédric regorgeait de la passion pour les mots, il avait ouvert une librairie où la transmettre. Il aimait ranger les nouvelles acquisitions, les mettre face à la porte pour qu’elles fussent à deux pas. En effet, sa librairie était tout pour lui.
 Audrey aimait aussi les lettres mais peut-être d’une façon tout-à-fait différente. Audrey engloutissait l’expression écrite en inspirant les livres. C’était une gourmandise á laquelle elle ne pouvait pas résister, même si elle l’avait déjà essayé plusieurs fois. Cette fringale obsessive lui faisait parcourir chaque librairie de la ville pour sentir avec toutes ses forces ces bouquins majestueux.
Dernièrement, une foule de clients avait rendu à Cédric quelques livres parce que, et comme eux-mêmes le disaient, les bouquins présentaient des erreurs d’imprimerie, avec des pages et des pages en blanc. Les maisons d’édition commençaient à se fatiguer de tant de remboursements et elles lui avaient donné un ultimatum. D’ailleurs, Cédric ressentait un double sentiment : d’une part, une douleur pour ces livres handicapés, et d’autre part, une angoisse pour l’avenir de sa boîte.
C’était clair qu’Audrey fréquentait depuis quelques semaines la librairie de Cédric. Elle adorait l’ordre et le goût romancier de ce lieu-là. Malgré la culpabilité ressentie, elle se laissait porter par sa goinfrerie en ingurgitant toute la rentrée littéraire entière de cette année, or atteinte d’une sorte de boulimie des mots.
Cédric avait remarqué le comportement bizarre d’Audrey et après un mois, il s’était rendu compte de que c’était elle qui se gavait de ses livres olfactivement jusqu’à les gommer, de sorte qu’il lui a fait face, fâché.
Le moment de la confrontation a été tendu. Comment exprimer un tel événement paranormal ? Cependant Audrey n’a rien nié, elle a baissé la tête, gênée, et lui a demandé pardon.
Et tout d’un coup, Cédric, d’un cœur accéléré, a pris son livre préféré pour le lui offrir… « tu veux du rab ». Alors, Audrey a bredouillé en une seconde … « je suis rassasiée, merci».
Au moment où leurs yeux se sont rencontrés, parmi les paroles qui flottaient dans l’air exhalées par Audrey, sa passion pour les lettres avait engendré un amour incontournable.

Raquel

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